Nourriture émotionnelle

Les régimes ne marchent pas : la restriction cognitive

Dans cet épisode, nous allons voir pourquoi les régimes ne marchent pas. C’est dû à un phénomène appelé la restriction cognitive.

La restriction cognitive, la raison pour laquelle les régimes ne marchent pas

C’est quoi ? Pour faire simple, c’est l’ensemble des règles que l’on peut avoir ou entendre sur la nourriture. Cela peut aller du simple « ne mange pas trop gras, trop sucré, trop salé » entendu à la télé, aux régimes que l’on peut s’imposer qui vont avoir leur lot de contraintes. Ces règles peuvent être justifiées (prescrites par un diététicien par exemple) ou non (liées à des fausses croyances, comme : un aliment en particulier fait grossir, ou bien à des dictons comme : repas de roi le matin, de prince à midi et de pauvre le soir).

Il est très important de comprendre que de nombreuses personnes sont sujettes à cette restriction cognitive, à force d’entendre qu’il faut perdre du poids et que pour cela, il faut suivre tout un tas de règles.

A l’inverse, d’autres mangent sans s’imposer aucune règle : faire 3 repas par jour, c’est tout simplement suivre notre métabolisme, et manger quand on a faim. On se régule, on apprend inconsciemment à manger juste ce qu’il faut pour tenir jusqu’au prochain repas dont l’horaire est socialement fixé. Mais ce n’est pas de la restriction cognitive.

En revanche, elle est responsable de l’échec de tous les régimes : c’est ce qu’on va voir dans cet épisode !

Je vais me baser sur un article des docteurs Apfeldorfer et Zermati*, pour qui la restriction cognitive (et donc les régimes ou règles liées à l’alimentation), sont accusés d’entraîner ou d’aggraver différents troubles du comportement alimentaire.

L’effet de la restriction cognitive

Dans le cas d’un régime, la restriction cognitive a lieu sous diverses formes : on peut compter les calories, lister des aliments « autorisés et interdits », ou encore essayer de limiter certains aliments selon les moments de la journée (ne pas manger de féculents le soir, etc).

Pour les docteurs Apfeldorfer et Zermati, ces règles nous placent dans un état de frustration permanente. C’est le principe de la restriction cognitive : se restreindre par des règles (d’où l’aspect cognitif. Ce n’est pas par manque de disponibilité des aliments dans l’environnement, c’est imposé par nous-même)

Dans les derniers épisodes du podcast, j’explique que nos actions, par exemple manger quand on n’a pas faim, sont causées par nos émotions. Les pensées négatives, comme « je suis nul, je n’arriverai jamais à rien, je n’ai aucune volonté, je suis gros » vont nous pousser à suivre des règles diététiques ou un régime, qui va causer la restriction cognitive.

L’expérience de Herman et Mack : Transgresser les règles déclenche les compulsions et les émotions négatives

J’aime beaucoup l’exemple qui est donné dans l’article : ils citent l’expérience de Herman et Mack où on a donné à des patients, d’abord des milkshakes, puis de la crème glacée comme repas. Certaines personnes ont mangé les milkshakes, puis un peu de glace, puis étaient rassasiés. D’autres, au contraire, ont mangé beaucoup de glace : elles avaient « désobéi à une règle alimentaire, à un interdit » et cela avait entraîné une perte de contrôle et donc une compulsion alimentaire. J’imagine que vous connaissez ce phénomène, c’est le fameux « foutu pour foutu » : puisque j’ai pris des chips, autant m’empiffrer pendant l’apéro. Puisque je prends une pizza, autant prendre une bière.

Le moment de basculement

Ce moment de « basculement » n’est pas réservé aux personnes suivant un régime ! Si vous observez vos proches, ils vont aussi avoir tendance à se « relâcher » lors d’une soirée au restaurant par exemple. C’est ici qu’on voit la différence entre une personne en restriction cognitive ou non : celle qui est en restriction va parler de « se lâcher », « on fera plus attention demain », même sans être au régime. Ces personnes mangent en culpabilisant de « se lâcher ». Les personnes qui ne sont pas en restriction cognitive ne se posent pas autant de question. Elles choisissent juste ce qu’elle ont envie de manger. Si elles prennent une salade, c’est parce qu’à ce moment là elles ont envie d’une salade, et non parce qu’elles ont eu un déjeuner trop copieux et qu’il « ne faut pas abuser ».

D’ailleurs, les personnes qui ne sont pas en restriction cognitive au restaurant ne prennent pas spécialement des plats que l’on pourrait considérer comme gras, et si elles en prennent, c’est uniquement parce qu’elles en ont envie, ou que ce sont des plats qu’elles n’aiment pas cuisiner elles-mêmes, etc… En fait, la seule chose qui détermine ce qu’une personne, non cognitivement restreinte, va commander au restaurant, c’est son plaisir. Et juste son plaisir.

En revanche, il ne faut pas généraliser, car il y a beaucoup de personnes qui ne raisonnent pas du tout comme ça au restaurant, tout simplement parce qu’elles ne sont pas en restriction cognitive.

Mon expérience avec la restriction cognitive

Personnellement, je l’ai vécu une infinité de fois, étant au régime ou non.

Par exemple, j’aime beaucoup manger un carré de chocolat après le dîner. Mais de nombreuses personnes voient le chocolat comme un aliment à éviter, voire à bannir quand on fait régime ou « attention ». Pour moi, c’est la même chose, d’ailleurs ! Quand je faisais régime, je me retrouvais souvent à voir les autres carrés de la tablette monopoliser mon attention. Juste parce que je venais d’en manger un ! Il m’était très difficile de manger un « petit peu de sucré » en fin de repas.

En m’écoutant, je ne mange qu’un carré de chocolat.Tout simplement parce que je ne me sens pas restreinte. Je peux en reprendre quand je veux si je veux.

Quand on savoure le chocolat, un carré, parfois 2, suffit largement. Mais si on le mange en se disant que :

  • c’est un plaisir qu’on s’accorde,
  • qu’on a le “droit” à ce genre d’”écarts”,
  • que ce n’est pas grave car on a bien mangé aujourd’hui…
  • C’est toujours de la restriction cognitive !

“J’avais mangé des centaines de carrés de chocolat mais jamais un seul”

L’aliment reste un aliment « interdit », on transgresse un interdit… et donc, puisqu’on l’a fait, on est tenté de manger la plaquette entière.

En revanche, pour arrêter les compulsions et la nourriture émotionnelle, j’ai arrêté les régimes.

Pour les remplacer, j’ai essayé d’écouter mes envies. C’est la seule méthode qui a fonctionné pour arrêter le foodfighting et sortir du cercle infernal permanent de frustration – compulsion – frustration – compulsion.

Ce peut être très effrayant si les règles régissent toute votre alimentation ou si vous êtes au régime. Mais pas de panique, nous allons voir ça ensemble étape par étape dans le prochain épisode !

La suite : Arrêter les régimes

Par ici pour consulter l’article : https://www.gros.org/la-restriction-cognitive-face-lobesite-histoire-des-idees-description-clinique